Le Barbier a été un artiste mal aimé – si l’on excepte un cénacle de connaisseurs –, tant de son vivant qu’après sa mort, au terme d’une longue vie. Au cours des dix-sept Salons officiels auxquels il exposa, les nombreux plumitifs anonymes de circonstance, auteurs appliqués de libelles assassines, tout comme les critiques proclamés, se sont déchaînés en remarques ironiques et malveillantes sur ses tableaux. On peut même avancer qu’à l’exception notoire de son Siège de Beauvais, présenté au Salon de 1781, œuvre qui rallia presque tous les suffrages de ses commentateurs, toutes ses toiles y furent décriées. Seuls ses dessins y furent appréciés ; encore ne suscitèrent-ils que de brèves remarques car on ne se venait pas vraiment au Salon pour en voir. En dépit de son souci constant de se diversifier dans les sujets qu’il abordait, de varier sa manière au fil des modes, rien n’y fit : son dessin, sa technique, son métier en un mot, furent toujours reconnus comme étant de grande qualité, mais ses compositions, et surtout sa palette claire et froide, déplurent vivement. Les remarques sur cette dernière finirent même par tourner au rabâchage ; mais reconnaissons ici à sa force morale et à son opiniâtreté qu’il se refusa, quoi qu’on en dît, à en changer et elle demeura identique à elle-même tout au long de sa carrière, tout comme son faire mince et précieux, qui aussi agaçait, dans des compositions qui évitaient soigneusement tout excès de pathos. Nous nous expliquons mal tous ces a priori dont il souffrit de la part de cette critique qu’il dénoncera avec vigueur pour sa superficialité et son manque de culture dans un article virulent publié à la fin de sa vie et nous n’excluons pas qu’elle ait pu le conduire à limiter volontairement l’importance de son œuvre peint ; on s’apercevra en effet que son corpus en ce domaine n’atteint qu’à peine cent-quarante numéros, toutes catégories de tableaux confondues. Les mêmes raisons justifient peut-être l’abondance de son œuvre dessiné, presque dix fois supérieur en nombre de pièces dans ce que l’on peut encore en connaître. Ces dessins, exécutés selon des techniques variées, simples croquis ou œuvres plus achevées, sont toujours virtuoses. Une très grande part d’entre eux fut conçu pour la gravure, un domaine pour lequel son premier maître le destinait d’abord, qu’il abandonna sans état d’âme dans un désir impérieux de se consacrer au grand genre de la peinture d’histoire, mais qu’il ne quitta finalement jamais, tant furent abondantes les commandes qu’il reçut des commanditaires d’ouvrages ornés de vignettes, comme des éditeurs d’estampes. Au-delà de son implication véritable dans ce travail d’illustrateur, attesté par la qualité de ses originaux qui sont parvenus jusqu’à nous, ce fut pour lui, dans les temps politiquement difficiles qu’il traversa, une source de revenu régulière et lucrative. Nous pensons néanmoins qu’il eût préféré que les choses évoluassent d’une autre manière dans sa vie d’artiste. Michel Jacq-Hergoualc’h
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